Elle a fait d’un banal complexe physique, une force qui la transcende. Shaikha Al Qassemi, 34 ans, a longtemps souffert de sa carrure. À cause de ses épaules, trop larges à son goût pour son petit gabarit d'1,58m, la jeune Émiratie peine à apprivoiser son image. C’est finalement sur Internet qu’elle trouvera le salut. « Kiki », comme la surnomme ses proches, y découvre le parcours inspirant de la Canadienne Camille Leblanc-Bazinet et de l’Islandaise Annie Thorisdottir, deux crossfiteuses, à l’aise dans leurs baskets, elles, et qui n’hésitent pas à partager des photos de leurs corps musclés sur leurs réseaux sociaux. Une révélation. En mars 2013, Shaikha Al Qassemi leur emboite le pas.

Très vite, la novice découvre qu’elle est douée. Troisième de la « Battle of the East » en 2015, elle s’invite de nouveau sur le podium l’année suivante à l’issue de la « Battle of Heroes. » Tout va alors s’enchaîner rapidement. Les sponsors, toujours à l’affût de talents, la repèrent et, à 27 ans, Shaikha Al Qassemi devient la première crossfiteuse moyen-orientale à être financée par une marque, la première femme émiratie, tous sports confondus, à bénéficier d’un tel dispositif. Une réussite qui n’est malheureusement pas du goût de tous. Son style de vie, très différent des coutumes en vigueur au Moyen-Orient, choque et les critiques pleuvent, acerbes pour la plupart, violentes pour certaines. Pas suffisant pour freiner « kiki ». La jeune femme décide d’ouvrir une salle de sport à Dubaï. Mixte au début, elle finit par accueillir un public exclusivement féminin.

Un choix pleinement assumé par la Dubaïote qui se sert désormais du sport non plus pour seulement son épanouissement personnel mais pour combattre les préjugés et le body shaming. Une bataille courageuse mais éprouvante. En 2019, Shaikha Al Qassemi décide de lever le pied. Lasse de ne pouvoir mener la vie à laquelle elle aspire, elle quitte famille, amis et met le cap sur Majorque, en Espagne. Désormais installée à plus de 7 000 kilomètres des siens, Shaikha Al Qassemi continue de se (re)construire et de militer. À son rythme.

Et quand le doute revient la visiter, elle se raccroche, une fois encore, à ce CrossFit, bouée de sauvetage qui lui a permis de s’émanciper avec, dans un coin de la tête, ce rêve ultime qu’elle nourrit en secret : participer, un jour, à la plus prestigieuse des compet’ de sa discipline, les CrossFit Games.